Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec les Galeries Lafayette ? Qu'est-ce qui vous a séduit dans cette invitation faite par le grand magasin ?
J’ai été invité à imaginer une œuvre autour de la trémie et des escalators du magasin des Galeries Lafayette Nantes, une zone très intéressante de par son emplacement et sa particularité, mais complexe dans sa forme, ses angles et ses volumes, et le travail de la lumière que ces éléments impliquent. Un vrai challenge à relever ! J’aime particulièrement travailler sur différents supports et le fait de pouvoir créer dans cet espace hors normes m’a énormément motivé.
Je suis très attaché dans mon travail, à mettre en avant le patrimoine architectural, pour tisser un récit à travers la représentation de bâtiments. Les Galeries Lafayette ont une histoire extrêmement riche, et ont été à travers le temps de réels acteurs du changement et de l’évolution de nos villes. C’est également pour cette raison que j’ai voulu me lancer dans l’aventure de raconter l’histoire du grand magasin en imaginant Bienvenue à Lafayetteville.
Quelle vision portez-vous sur les Galeries Lafayette de Nantes, dont le bâtiment est l'une des architectures emblématiques de la ville ? Comment ce lieu vous a-t-il inspiré ? Que souhaitiez-vous en dire, en dévoiler ?
Le bâtiment Decré est en effet indissociable de Nantes et de son centre-ville. Les Galeries Lafayette et les Grands Magasins Decré se sont par ailleurs développés simultanément à Paris et à Nantes, et ont finalement beaucoup de similitudes, partageant une audace visionnaire. Ces grands magasins ont beaucoup apporté à la vie du centre-ville ; et ils ont été également novateurs d’un point de vue technologique, avec l'installation d’ascenseurs et d’escalators en leur sein.
Ces magasins sont inspirants car il s’y passe toujours beaucoup de choses, que ce soit des événements festifs tous plus fous les uns que les autres - comme sur le génial toit-terrasse avec son restaurant, son carrousel ou encore son bassin et sa piste d'atterrissage ; ou tragiques, à l'image de la destruction du bâtiment Decré réalisé par l'architecte Henri Sauvage. Plus que la représentation de simples bâtiments, c’est toute cette histoire que j’ai voulu mettre à l'honneur dans Bienvenue à Lafayetteville.
Votre installation rassemble plus largement les différentes architectures des magasins Galeries Lafayette de Paris, de France et parfois de l'international. En convoquant tous ces éléments dans votre fresque, vous proposez une nouvelle expérience de l'espace et du temps. Pouvez-vous nous parler de votre approche artistique pour cette installation ?
Lorsque j’ai décidé de travailler autour des escalators, je souhaitais développer mon installation sur l'intégralité des surfaces, afin que le spectateur soit en immersion totale au sein de cette ville en noir et blanc, avec une volonté de le dérouter en lui proposant différents sens de lecture de l’œuvre. Lorsqu’on se laisse porter par les escalators, on aperçoit 6 sens de lecture différents : de haut en bas, de bas en haut, puis dans les diagonales. Tout s’entremêle et se chevauche.
Ce fut en tout cas un vrai plaisir de découvrir et de me plonger dans les archives des Galeries Lafayette, situées boulevard Haussmann à Paris. Je souhaitais intégrer un maximum de détails historiques dans mon œuvre et les archives du magasin, qui en conservent la mémoire, m’ont offert cette matière. On retrouve donc des centaines de détails révélateurs de l’histoire des Galeries Lafayette : l’évolution des différents logos de l’enseigne, d’anciennes campagnes publicitaires, la trace d’événements incroyables qui s’y sont déroulés - comme l'atterrissage de l’avion de Jules Védrines sur le toit, jusqu’au plus grand défilé du monde - et bien sûr l’évolution du bâtiment au fil du temps. Ce sont tous ces éléments qui composent Bienvenue à Lafayetteville. Entrer dans cette cité imaginaire, c’est voyager dans le temps, et redécouvrir l’évolution de la mode, du graphisme, de l’architecture et plus largement la transformation de nos villes.
L'installation habille les escalators du grand magasin et peut se lire en mouvement : avez-vous imaginé une narration particulière pour cette installation ?
Il n’y a pas de narration unique : on découvre les détails composant Lafayetteville au fur et à mesure de la montée par les escalators ; et on en découvre de nouveaux en descendant. Chaque point de vue offre de nouveaux détails et la lecture de différentes zones qui se superposent ; chaque surface est pensée comme un tableau qui raconte une histoire, qui se complète ou se confronte avec les éléments que l’on distingue dans d’autres plans.
En puisant dans les archives des Galeries Lafayette, quel a été le détail le plus marquant à illustrer ?
J’ai en tête beaucoup d’événements intéressants et même incroyables, mais je crois que ce que j’ai pris le plus plaisir à dessiner, c’est cet endroit extraordinaire qu’est le grand magasin Paris Haussmann, avec ses moulures, ses dorures, ses balcons et bien sur, la coupole et son grand escalier monumental qui n'existe plus aujourd'hui.